Résumé de l'Interview accordée au journal comorien Alfajr sur les assises en tant que président du think-tank «Cercle des Économistes et des Experts Comoriens (CEEC)»
A titre personnel, cela n'engage que moi-même, j'estime qu'il aurait été mieux de faire les assises avant la fin du mandat de Dr Ikililou Dhoinine avant d'entamer un nouveau cycle de tournante. En effet, supprimer la tournante avant la fin du deuxième cycle risquerait de susciter des sentiments d'injustice, de frustration et de colère qui mettraient à mal la cohésion nationale et pourrait causer une instabilité politique alors que sans stabilité, aucun développement économique et social n'est ni possible ni viable.
Un bilan sur la tournante était d'ailleurs prévu dans la constitution comorienne de 2001, modifiée par référendum en mars 2009 et ce avant la fin du premier cycle de tournante. Il est toujours possible d'améliorer la gouvernance publique. Les responsables de l'échec et de la souffrance du peuple ne sont pas les institutions de la République mais plutôt les politiques qui ont eu à diriger les Comores car n'oublions pas que les Comores disposent d'un régime présidentiel. Ce qui signifie que les pleins pouvoirs appartiennent au chef de l'Etat en exercice qui décide par décret. Rien dans la Constitution n'oblige le président de la République à être injuste en nommant sa famille,ses amis et ses proches sans chercher les meilleures compétences sur l'ensemble du territoire national par souci d'équilibre, de cohésion et l'exemplarité. Les dirigeants qui agissent ainsi sont responsables de ce sentiment d'injustice et de colère qui conduit à des réactions mettant à mal le vivre-ensemble.
Je suis pour la défense de la Nation comorienne dans le respect des principes d'équité et de justice sociale sur l'ensemble du territoire national. Il est crucial que les gouvernants ont une responsabilité primordiale dans le renforcement de l'Unité nationale et de la cohésion sociale. Sans exemplarité ni justice équitable et égale pour tous, toute action publique risque de handicaper l'Unité nationale que nous devons défendre et renforcer par des actions concrètes qui facilitent la vie des citoyens comoriens. La cohésion nationale et la stabilité institutionnelle sont des facteurs essentiels du décollage économique.
Bien entendu la tournante peut être améliorée comme par exemple réduire les aspects budgétivores comme les fonctionnaires de vice-président et de gouverneur qui devraient fusionner pour en retenir qu'une des fonctions tout en déconcentrant les services ministériels et les services centraux dans les îles pour renforcer le caractère concret de la puissance publique sur le territoire national. Il est essentiel que ce soit les administrations qui se rapprochent des citoyens et non que les citoyens soient obligés de payer des frais coûteux y compris un billet d'avion ou de transport maritime pour obtenir un simple document administratif. Il est essentiel de corriger les effets négatifs de la grande concentration des services publics. L'Etat comorien se doit de servir tous les citoyens en facilitant l'accès à ses services. L'égalité d'accès aux services publics est un droit fondamental qu'il convient de respecter au même titre que la méritocratie et l'équité territoriale et sociale dans la répartition des investissements publics en matière d'infrastructures. La réforme de la justice est primordiale pour réussir le décollage économique des Comores.
Je tiens à préciser que les assises ne se limitent pas à la tournante qui est un aspect parmi plusieurs autres thématiques qui y seront traités.
Les assises constituent une occasion non seulement de faire le bilan de la gouvernance publique depuis l'indépendance mais elles constituent également un catalyseur pour un nouveau départ pour les Comores dans plusieurs aspects notamment en matière de dialogue social, de consolidation de la Nation et de l'Unité des Comores, de renforcement de l'efficacité des institutions de la République, de la place des Comores dans le monde y compris le rôle de la diaspora comorienne, de réflexions constructives pour une meilleure stratégie de développement économique et social des Comores, et de formulation de propositions d'autonomisation et de recherche de financements pérennes pour assurer le décollage économique. La mobilisation des ressources naturelles, humaines et financières constitue également un point essentiel à étudier pour permettre la sortie de la culture de l'assistanat et de la mendicité.
De même, les assises constituent une occasion de discuter de ce qui ne va pas tout en cherchant des solutions consensuelles pour un avenir meilleur. Bien entendu, il conviendra d'éviter que des personnalités politiques avides de pouvoir destabilisent le pays à travers ou non les assises.
D'où l'importance que celles-ci soient conduites par des personnalités irréprochables de la société civile en particulier le Mouvement du 11 août qui est à l'initiative de ce projet national. Bien entendu, tout le monde devra y être associé car il y va de l'intérêt national. Ce qui sera retenu devrait être en principe les propositions consensuelles. La stabilité reste cruciale pour réussir le décollage économique.
Darchari MIKIDACHE
Président du think-tank «Cercle des Économistes et des Experts Comoriens ( CEEC)».
www.ceec-comores.com et www.darcharimikidache.com