Les transferts d'argent de la diaspora comorienne évalués à près de 59 milliards de francs comoriens selon le dernier rapport trimestriel de la Banque Centrale des Comores (BCC) représentent 25% du Produit Intérieur Brut (PIB), soit un peu plus de 180% du Budget de l’État comorien en 2013. Les montants envoyés par le circuit informel (main à main) et non retracés dans les statistiques représentent au moins autant que les chiffres officielle). A peine 10% des flux de transferts d'argent sont destinés et investis dans les secteurs productifs générateurs de richesses et d'emplois durables. Dans ces conditions, quelles politiques faudrait-il envisager pour que la diaspora comorienne puisse contribuer avec efficacité au développement des Comores ?
Par Darchari Mikidache, économiste et fiscaliste, président du think tank "Cercle des Economistes et des Experts Comoriens (CEEC)"
Les différents gouvernements ont mis en place quelques mesures
Les mesures prises à ce jour par les autorités publiques nationales après une convention signée entre l’État comorien et la diaspora en décembre 2010 sous l'ancien président Ahmed Abdallah Sambi et sous l'actuel chef de l’État Dr Ikililou Dhoinine (mise en place d'une Commission mixte franco-comorienne non fonctionnelle, création d'un Commissariat chargé de la diaspora, tournées dans les grandes villes françaises du Ministre des Relations extérieures accompagné du Commissaire chargé de la diaspora, et d'une délégation de fonctionnaires du MIREX, création d'une Commission chargée du pilotage de la structuration de la diaspora comorienne en France) vont dans le bon sens mais restent perfectibles compte tenu des enjeux économiques.
L'instauration de la confiance et d'un dialogue permanent est primordiale.
Un véritable pacte de responsabilité et d'engagements entre l’État et sa diaspora s'avère indispensable s'il est accompagné d'un mécanisme d'évaluation et de suivi de son contenu.
Mieux connaître sa diaspora permet de mettre en œuvre un programme pluriannuel efficace et adapté aux enjeux.
Le recensement à travers l'attribution de cartes d'identité et de passeports biométriques comoriens pour les ressortissants ne suffit pas en soi. Une base de données de la diaspora recensant les catégories socio-professionnelles et les compétences avérées est indispensable. Les aspects sociaux et culturels dont les effets économiques sont tout aussi importants notamment les notions de notabilité, d'équilibre des îles et de grands-mariages pourraient être traités notamment à l'occasion d'assises nationales et dans le cadre d'un débat national.
Création d’un fonds de financement des projets de la diaspora
Afin d’orienter les transferts d’argent de la diaspora dans les secteurs productifs, créateurs de richesses et d’emplois durables, les autorités publiques sont invitées à proposer des mesures stimulantes et incitatives lorsque la diaspora investit dans les secteurs définis comme prioritaires par l’État conformément à la stratégie de croissance accélérée et développement durable national. L’agriculture, le tourisme, l’agro-alimentaire, les services et les nouvelles technologies de l’informatique et de l'Internet doivent trouver leur place dans les secteurs classés comme prioritaires. L’accès au crédit devrait être facilité soit en termes de fonds de garantie ou d’octroi de taux d’intérêt bonifiés.
Par ailleurs, un fonds d'investissement constitué de capitaux publics, privés et de souscriptions de la diaspora « diasporas bonds » pourrait être envisagé à terme pour financer des grands projets structurants et créateurs de richesses nationales. Une réforme des législations fiscale et douanière de l'Union des Comores pour sécuriser davantage et rendre attractifs les investissements de la diaspora notamment dans les sociétés à capitaux mixtes et dans les coopératives reste tout à fait possible et souhaitable.
L’État comorien devrait donner l'exemple en commençant par faire baisser les tarifs des transports aériens.
L'État comorien gagnerait à faire baisser les tarifs aériens en commençant par faire baisser les taxes d'aéroport et le prix du kérosène. Une hausse des ressources fiscales et non fiscales s'ensuivrait avec la collecte de taxes sur la consommation (TCA) supplémentaires. Cela soutiendrait également la croissance économique avec l'arrivée d'un plus grand nombre de touristes.
Mobiliser les compétences de la diaspora est une impérieuse nécessité.
L'actuel dispositif du programme franco-comorien de codéveloppement ne suffit pas à mobiliser les expertises de la diaspora.
Le pays serait gagnant en rendant obligatoire par la voie législative le recours à une proportion d'au moins 15% d'experts nationaux hautement qualifiés dans les procédures de passation de marchés publics à l'instar du Cameroun.
Un programme interministériel et une stimulation adéquate de la production nationale constituent des pistes à explorer.
Un programme économique national de valorisation des productions locales « Made in Comoros » et des industries agro-alimentaires par un plan pluriannuel de substitution progressive des importations permettrait à la fois de faire consommer davantage les produits nationaux et générer de nombreux emplois . Pour ce faire le Ministère de la Production, le Ministère des Finances et de l’Économie et celui des Relations extérieures doivent travailler étroitement tout en associant et en impliquant les opérateurs nationaux, les acteurs de la diaspora et les institutions de la sous région notamment la Commission de l'Océan indien (C.O.I) et le marché commun de l'Afrique orientale et australe (COMESA).
Darchari MIKIDACHE
Président du Cercle des Économistes et des Experts Comoriens (CEEC)
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